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mercredi 14 avril 2010

Spirits of Hannington Wick


Si l'on ne m'a pas entendue ces derniers jours, ce n'est pas vraiment par un manque d'inspiration. Je me souviens même d'avoir songé à beaucoup de sujets d'articles la semaine dernière, sans avoir vraiment cherché à me les rappeler pour l'instant.

C'est plutôt que lorsqu'on sort d'un joli rêve, on n'a pas envie de songer à autre chose, au risque de nous arracher ces beaux souvenirs. Et je sors d'un weekend de rêve. Des amis, des personnes qui en deviennent petit à petit, des inconnus fort sympathiques avec qui on fait connaissance... Mais surtout, deux jours hors de la réalité, dans la peau d'une jeune fille de duchesse à marier, toute excitée par une séance de spiritisme chez son amie. Des intrigues, des prétendants, des serments d'amour au clair de lune, le tout sous le regard des esprits qui rôdent !

Sans oublier les costumes, tous plus magnifiques les uns que les autres. Je vous livre ici l'apparence que revêtait Kathlyn Wellesley, fille de la duchesse de Wellington.


jeudi 8 avril 2010

Supermarché


- Maman ! Maman ! Je veux le Femme Actuelle !

Le gosse appelle sa mère, à deux caisses de là, et lui désigne un magazine qu'elle ne peut pas voir. Tous les clients de la grande surface peuvent profiter du dialogue entre la mère et son fils.

- J'en ai besoin maman ! Achète le Femme Actuelle !

L'enfant a sept ou huit ans, âge où il devrait théoriquement avoir bien entamé l'apprentissage de la lecture. Suffisamment, du moins, pour repérer que le TV magazine qu'il a sous les yeux n'a rien d'un Femme Actuelle. D'autant qu'il connaît manifestement ce magazine, et devrait donc repérer la différence ne serait-ce que par l'aspect du logo (les enfants de trois ans ne s'y trompent pas).

- Mais qu'est-ce que tu comptes en faire ? Je ne vais pas acheter ça ! C'est le progra...

La mère a laissé là son caddie pour venir voir ce que son fils lui montrait, avant de retourner sagement dans la file d'attente. Mais déjà il n'écoute plus ce qu'elle a à dire.

- Mais pour le lire maman ! Achète le Femme Actuelle, j'en ai besoin !

Peut-être, dans l'esprit de l'enfant, "femme actuelle" est-il le terme générique pour "magazine". Personne n'aura pris la peine de lui expliquer que ce n'est pas le cas, ou du moins de le forcer à l'entendre sans couper la parole de l'adulte qui aurait tenté l'explication.

- Je l'ai déjà à la maison ! Je l'ai acheté cet après-midi ! Viens, chéri !

La mère tente une conciliation en tendant la main vers sa progéniture, avec un sourire gêné pour les autres usagers. Mais l'enfant ne s'y trompe pas, et continue de pointer du doigt l'objet de ses convoitises.

- Arrête de mentir ! Tu mens tout le temps ! C'est pas vrai, achète-le, j'en ai besoin, maman ! Je veux le lire !

La mère continue de protester, mais tout dans son attitude montre qu'elle est déjà vaincue. Elle s'approche du magazine incriminé, et, tout en regardant la couverture :

- Il est de quand à quand ? Je ne vais pas acheter ça, c'est le programme de télévision ! Tu n'en as pas besoin !

- J'en ai besoin, maman ! Achète le Femme Actuelle !

Déjà, l'enfant sent qu'il a gagné. Il ne baisse pas le ton tant que sa mère ne lui a pas fourré le magazine dans les mains, et dès cet instant se tait. Il a bien appris son rôle, le gamin. Que voulait-il vraiment ? Le "femme actuelle" ? Ou tenter une ènième fois de mesurer son pouvoir sur sa mère ?

lundi 5 avril 2010

Double


Hors de ta présence, on me disait fort jolie fille, bien élevée. D'une charmante discrétion, aimable et agréable à vivre... Mais dès que tu paraissais, ta beauté sublime et sauvage me faisait paraître transparente, ma blancheur éclatante devenait terne pâleur face aux tons chauds et cuivrés de ton bronzage fauve. Ma tenue simple et élégante était radicalement dépassée par ton chic flamboyant, au-delà de toute époque et de toute mode. Ta liberté de ton et de parole rendait ma politesse consensuelle hypocrite et fausse. Tu étais l'artiste, et j'étais la bêcheuse...

Ô comme je t'ai aimée, ma sœur... Ma sœur, combien je t'ai haïe !

Loin de moi, je t'admirais : l'éclat de tes réussites rejaillissait sur moi. Tu étais ma sœur adorée, ma sœur adulée, la sœur dont j'étais fière. Mais lorsqu'à l'occasion, tu revenais à nous, il n'y en avait plus que pour toi - toi qui étais si rarement présente à la maison. Tu accaparais mes frères, mes parents, mes amis, tous ceux que jalousement j'aurais voulu garder pour moi... Ma cour. Tous les efforts que j'avais faits pour m'épanouir, pour briller et dépasser ma timidité en ton absence, s'évanouissaient comme une goutte d'eau dans la fournaise ardente. Psshhht. J'étais vide, creuse, transparente. Et je ruminais ta ruine.

Ô comme je t'ai haïe, ma sœur... Ma sœur, combien je t'ai aimée !

Ce n'était pourtant pas ainsi, lorsque nous étions petites. Nous ne nous comprenions pas mieux alors, mais j'aurais tout fait pour toi. Seulement, mes efforts pour te plaire me rendaient servile à tes yeux, mes tentatives pour te sauver auprès de notre entourage après quelque action d'éclat ou parole mal perçue te sont, je crois, apparus comme une volonté de te rabaisser à mon niveau... Plus jeunes, tu avais le dessus sur moi. Je t'adulais, et je crois bien que tu me méprisais. Pourtant, c'était moi que l'on admirait pour ma gentillesse face à ton caractère indomptable. Mais ce temps a été bien court, et avec l'âge adulte la tendance s'est renversée : tu étais une vivante, et moi une morte.

Si tu savais combien je me suis haïe, ô ma sœur !

J'ai compté les armes que j'avais contre toi, et j'ai tout fait pour m'en servir. On me disait aimable, mais c'était pour te faire paraître odieuse. Ma prétendue charité chrétienne n'était destinée qu'à te nuire, par comparaison. Mes bontés à ton égard étaient conçues pour que tu les reçoives mal, face à ces gens dont l'opinion était si importante pour moi - tellement peu pour toi. Toi seule a compris ce complot diabolique, mais trop tard. Je devenais déjà ange, et toi démon. Cependant, sans le savoir, c'est ma propre ruine que je fondais.

Ô comme je te regrette aujourd'hui, ma sœur jumelle !

J'ai réussi à te perdre, mais je n'ai pas compris que c'était moi que je perdais. Ta disparition tragique t'a rendu ton éclat pour toujours, elle t'a fait retrouver ta beauté sublime et chatoyante. Je me suis damnée moi-même, condamnée à errer dans ce monde jusqu'au bout. Dépouille sans sépulture, cadavre sans tombeau. Condamnée à errer seule, moi qui sans toi ne suis qu'une moitié de rien. Je m'étais construite contre toi - tout contre toi. Et je ne suis plus que l'ombre de moi-même. Je n'avais pas compris que ma blancheur n'était éclatante que face à ton hâle fauve, que ma simplicité et ma délicatesse ne montraient de douceur qu'en comparaison avec ton franc parler. Ma discrétion n'existait que dans ton exubérance, ma présence n'avait de sens que par ton éloignement.

Ô ma sœur, tu es bien la plus vivante de nous deux. Désormais, je vis morte, de n'avoir pas compris à temps que nous étions complémentaires.

dimanche 4 avril 2010

Joyeuses Pâques... Et alors ?


Eh, quoi, pourquoi s'emballer ? Ce n'est que la fête du chocolat, des petits lapins, des œufs et des cloches ! Éventuellement une fête de famille pour certains... Et encore. Moins importante que Noël. Au moins, à Noël, on a une bonne raison de se retrouver : on s'offre des cadeaux, c'est la fête des enfants, tout ça ! Tandis qu'à Pâques, bah. Du chocolat, on peut aussi bien en manger seul ou entre amis. On ne va pas se mettre dans tous nos états, sous prétexte que trois péquenots s'imagine qu'un jeune homme aux belles paroles mais légèrement atteint de folie douce est... Quoi ? Ressuscité ? La bonne blague, le joli conte pour enfants !

Et pourtant, cet homme a engendré un grand mouvement, qui est une des racines profondes de notre civilisation : le christianisme. Sur les valeurs duquel l'occident s'appuie encore aujourd'hui en grande partie. Et il se trouve que, oui, ce n'est pas un grand secret : notre Sardine est croyante. Oui, bon, bah, on va pas en faire un fromage. Mais comme dirait Numérobis, "On peut discuter peut-être ?!"

Il faut bien l'avouer : si je vais à l'église, c'est parce que mes parents m'y ont traînée pendant toute ma jeunesse, tous les dimanches... Souvent avec les pieds de plomb. Bah oui, quoi, j'avais pas envie d'y aller - normal. Bizarrement, maintenant que j'ai le choix, je continue... Par habitude ? Cela fait partie du train train de ma semaine, et puis quoi, une heure c'est rien. C'est sympa, agréable, on chante, on est ensemble : j'aime bien, moi.

Mouton ? Bah oui, les croyants, c'est incompréhensible. Aucun esprit critique. Ils avalent de ces trucs, juste parce qu'on leur dit que c'est vrai ! Et c'est comme ça qu'on couvre des atrocités, que tous les fidèles admettent tacitement la pédophilie de leur pasteur. Moui. Alors, non, cent fois non, ce n'est pas parce que je vais à l'église que j'adhère à toutes les atrocités qui ont été commises par des gens d'église. Mieux vaudrait boycotter l'Église ? Peut-être, mais ce serait renier les quelques belles choses apportées elles aussi au nom de l'Église, et cela serait aussi dommageable. Non, si j'y vais surtout, c'est que je ne sais pas croire en Dieu toute seule.
Mouton, on y revient... C'est possible. Mais peu importe, au fond. La question la plus importante, on me l'a posée il y a quelques mois. Et bêtement, je n'ai pas su répondre. La question, c'était : "Mais Sardine, que te dit ta religion ?" Oui, c'est vrai : que me dit-elle ?

Ma religion me dit : "Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres." Et elle me dit aussi : "À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres." (Ev. Jean, XIII, 35, 36). Une fois passées et dépassées les blagues grivoises qui pourront nous faire sourire un instant, voilà ce que me dit vraiment ma religion. Et de croire en cela... Oui, de croire cette absurdité, me donne l'envie d'être reconnue comme chrétienne, non parce que je vais à la messe, que je déjeune avec des prêtres, que je m'en vais au Rwanda dans une communauté de sœurs, ou que sais-je encore, mais parce que j'aurai peut-être réussi, par ma foi, à devenir quelqu'un de bien - ou du moins d'un peu meilleure.

Peut-être, me direz-vous, dans le cas où j'y parviendrais, ne serait-ce qu'un effet placebo. Peut-être, en effet. Mais quelle importance ? Ce qui compte... Ce qui compte vraiment, c'est que, si tout cela est vrai - s'il est réellement ressuscité -, alors, réjouissons-nous, et soyons dans l'allégresse. Parce que si un type pareil, avec les idées qu'il a, est réellement Dieu, alors nous sommes bien escortés.